Luc Besson

Interview de Luc Besson – 1ère Partie


Jadis, Luc Besson était une sorte d'anomalie. Réalisateur français à succès dont les films à l'esthétique ravageuse comportaient à la fois des scènes d'action réalisées avec brio et des doses de lyrisme onirique, il transcendait les frontières culturelles. À l'époque, bien sûr, des films comme Subway, La Femme Nikita et Léon : Le Professionnel contrastaient radicalement avec les films de machos comme Arnold Schwarzenegger et Sylvester Stallone. Même son épopée de science-fiction - The Fifth Element, avec ses fioritures poétiques et son sens de l'humour décalé, n'avait rien à voir avec les superproductions de science-fiction que Hollywood produisait en série.


Au fil des ans, Luc Besson est devenu un producteur prospère de films à succès tels que les films Taken et Transporter. Avec le film de science-fiction Lucy, de Scarlett Johansson, il renoue avec le monde de l'action théâtrale stylisée et lyrique. Le réalisateur adopte une prémisse idiote et séduisante - Lucy (Johansson) est une mule infortunée qui ingère accidentellement un nouveau médicament puissant qui lui permet d'utiliser 100 % de son cerveau - et l'utilise pour se livrer à des scènes d'action élaborées et à des épisodes de mélancolie surréaliste. Lucy est avant tout la version de Besson d'un film de super-héros et, une fois de plus, le résultat est très éloigné de ce que Hollywood pourrait nous proposer d'ordinaire. (À quand remonte la dernière fois où une super-héroïne américaine a appelé sa mère pour lui dire en larmes qu'elle se souvenait soudain du goût de son lait maternel) ? La semaine dernière, le réalisateur s'est entretenu avec Vulture au sujet de sa longue tradition de création de héros d'action féminins, de la science de pacotille derrière Lucy et de son penchant pour les fins équivoques.


Ces dernières années, il semble que nous ayons eu plus de femmes héroïnes de films d'action. J'ai l'impression que vous avez été un pionnier dans ce domaine. En 1990, lorsque vous avez réalisé Nikita, avez-vous eu des réticences à l'idée de faire un film d'action dont la vedette était une femme ?


Luc Besson: Je n'étais peut-être pas très heureux dans les années 80 et 90, quand tous les grands rôles étaient ceux de mecs musclés à l'esprit simple. Et la femme était toujours en retrait, à pleurer, à attendre que le héros revienne. Je ne perçois pas cette énergie chez les femmes. Alors, j'essaie toujours d'écrire du mieux que je peux pour les femmes et les hommes. The Big Blue raconte l'histoire de deux mecs ; Subway est une aventure avec deux mecs et une fille ; Nikita est une fille et une bande de mecs. Léon [dans Léon : Le Professionnel] est un homme très grand et fort, mais Mathilda est aussi forte que lui. J'essaie toujours de tirer le meilleur parti des deux sexes. Je ne me considère pas comme un expert des personnages féminins. Dans Lucy, il y a une fille et trois garçons. Donc j'essaie de les traiter du mieux que je peux, peu importe leur nature.


En fait, le plus drôle, c'est que lorsque j'ai essayé de réaliser Subway des années auparavant, l'un des retours d'un producteur qui voulait investir dans le film était : " Effectivement, nous ne savons pas. Tu n'as jamais fait de tournage avec une actrice, donc nous ne pouvons être sûrs que tu seras bon avec une actrice." [Rires.] Et lorsqu'on observe ma carrière après ce film, il est très surprenant de constater que certains se demandaient si je serais capable de collaborer avec une actrice.